Depuis plusieurs mois, c’est sans doute une des annonces les plus importantes de l’histoire des parcs d’attractions dans le monde. Un nouveau complexe touristique comprenant, entre autres, un parc d’attractions (Six Flags Qiddiya) tout simplement exceptionnel va voir le jour. La figure d’appel de ce parc est la montagne russe Falcon’s Flight qui s’annonce remarquable en tous points de vue. Toute cette poudre aux yeux masque malheureusement un désastre écologique. Nous nous sommes alors intéressés à l’impact de la construction d’un tel projet sur notre environnement.
Un parc démesuré au sein d’un projet disproportionné
Il y a tellement de points à aborder pour bien comprendre les enjeux. Nous allons commencer par décrire rapidement ce projet dont le chantier a déjà débuté. Pour cela, on se rend du côté de Riyad en plein centre de l’Arabie-Saoudite dont elle est la capitale. Ce n’est pas qu’un parc d’attractions qui est attendu mais bien un complexe touristique géant.
Qiddiya, c’est le nom de ce « mégaprojet » faramineux au cœur du désert Saoudien. Alors qu’il y a peu, le paysage était composé de sable et de roche, il habitera bientôt des centres artistiques, des terrains et scènes pouvant accueillir des festivals, des stades sportifs, un centre commercial, des restaurants, des lotissements mais aussi un circuit automobile dimensionné pour des courses de F1. Ce n’est pas tout car un terrain de golf est également attendu. Côté parcs à thèmes, ce sont deux parcs qui seront construits, un parc aquatique et le parc d’attractions en collaboration avec Six Flags, Six Flags Qiddiya.
Toutes ces constructions couvriront une surface de 334 km². Cet espace, encore désertique il y a peu, se trouvera à environ 20 minutes de voiture de Riyad et une heure de l’aéroport international King Khaled. De plus, l’extension de la ligne de métro est envisagée entre Riyad et Qiddiya.
Six Flags Qiddiya : en mettre plein les yeux
Les différentes annonces du nouveau parc à thèmes Six Flags Qiddiya sont très clairement orientées vers le spectaculaire, le démesuré, l’extravagance. Le coaster Falcon’s Flight du constructeur Intamin a de quoi donner le vertige, c’est le cas de le dire. Les différents chiffres ne battent pas les précédents records, ils les explosent.
Dans les statistiques de ce coaster, on retrouve une hauteur maximale de 195 mètres pour une vitesse de 250 km/h. Le parcours sera long de 4250 mètres et comportera trois launch dont un en descente. Frôlant les limites de la physique, ce chantier est en cours depuis maintenant plusieurs mois et les trains ont été présentés à l’IAAPA à Orlando en fin d’année 2023. Nous ne détaillerons pas l’ensemble du parc ici. Pour cela, nous vous invitons à consulter notre article qui revient en détails sur Six Flags Qiddiya (ici).
Depuis l’annonce de ce projet, ce nouveau parc et notamment la montagne russe Falcon’s Flight attire toute la lumière médiatique. Mais que se cache derrière cette explosion de records, d’investissements et de promesses ?
L’Arabie Saoudite : un climat désertique
Les belles images proposées via les différents concepts art nous feraient presque oublier que nous nous trouvons ici en plein désert. En hiver, la température moyenne est entre 20 et 25°C tandis que l’été, le thermomètre dépasse fréquemment les 40°C avec des pointes jusqu’à 48,8°C en 2020 (à l’ombre). En plus de cette chaleur écrasante, la pluie se fait très rare dans cette partie du monde avec de longues périodes sans pluie et même des tempêtes de sable régulièrement.
La capitale du pays, Riyad est passée de 150 000 habitants en 1960 à quasiment 7 millions en 2022. Face à cette explosion démographique, l’Arabie Saoudite s’est rapidement tournée vers la technique de désalinisation de l’eau de mer. Cette opération est très énergivore et n’est pas du tout compatible avec l’écologie. En 2010, les installations de dessalement saoudiennes consommaient 1,5 million de barils de pétrole par jour (via Le Point). La consommation d’un habitant Saoudien est d’environ 362 litres d’eau par jour. À titre de comparaison, un Français consomme 149 litres d’eau par jour. Cela fait des Saoudiens, les plus grands consommateurs d’eau au monde. Les autorités disent vouloir réduire cela et pourtant ici, on nous annonce un parc aquatique ou encore un golf en plein milieu du désert.
Le tourisme désertique incompatible avec l’écologie
Cela peut paraitre logique et pourtant, nous n’avons pas trouvé d’articles reprenant cette information. Créer une zone touristique en plein désert a d’importantes conséquences environnementales. Apporter de la végétation maintenue en vie artificiellement avec un besoin en eau toujours plus important n’est pas une solution qui apportera de la biodiversité. Ce raisonnement est une hérésie partant d’un constat simple : ne pas aller contre-nature.
Le réchauffement climatique est une réalité. Cet article n’a pas pour but de le démontrer. Pour ceux qui veulent aller plus loin, nous vous conseillons de lire les dossiers rédigés par le GIEC ou simplement d’aller dehors prendre l’air et de remarquer ce qui se passe autour de nous. C’est pourquoi on s’intéresse ici aux émissions de CO2 par habitant pour chaque pays. À la tête de ce triste classement, nous retrouvons le Qatar avec 38 tonnes de CO2 par personne. C’est au 7ᵉ rang que nous retrouvons l’Arabie Saoudite avec 18 tonnes de CO2 par personne. En comparaison, la France est 72ᵉ avec 4,6 tonnes par personne. Vous avez bien compris, un Saoudien rejette en moyenne 4 fois plus de tonnes de CO2 qu’un Français.
Entre 1990 et 2018, les émissions de CO2 ont augmenté de 261,6% en Arabie Saoudite mais ces dernières années, une petite tendance à la baisse est observée (-1,1% entre 2017 et 2018).
Quels engagements de la part de l’Arabie Saoudite ?
Sur le site officiel de Qiddiya, il y a une rubrique « durabilité » dans laquelle nous trouvons quelques promesses liées à la préservation de l’environnement. En premier lieu, Qiddiya annonce qu’ils utiliseront des espèces (faune et flore) qui peuvent s’adapter au climat local et qui demandent peu de ressources. Rappelons tout de même que ce chantier intervient sur une zone désertique où la végétation est très rare, pour ne pas dire absente. Pour illustrer cette proposition, voici l’image qu’ils ont choisi…
Autre engagement, Qiddiya indique une mobilité verte avec l’audace de présenter des personnes faisant du vélo dans le désert. Rappelons que nous pouvons dépasser les 40°C dès le mois de mars et jusqu’en octobre. D’ailleurs, vous pourrez vous amuser à regarder les concept art du parc. Les personnes dessinées sont généralement habillées d’un pantalon et de manches longues nous faisant presque oublier que la chaleur aride du secteur. Le troisième point concerne les déchets faisant le lien entre la réduction des déchets et le recyclage de ces derniers. Concernant l’eau, l’organisation annonce retenir chaque goutte d’eau qui tombera du ciel (quasiment aucune donc). En revanche, chose intéressante, des systèmes permettront d’utiliser les eaux usées pour notamment arroser le golf ou entretenir la faune et la flore.
En bref, en lisant les annonces, c’est vraiment le strict minimum qui est communiqué face à l’ampleur du projet qui est en cours d’élaboration. Ici, Qiddiya est dans une démarche de limiter plutôt que de contrer l’impact environnemental.
Comment donner un sens à Qiddiya ?
C’est une question paradoxale. Comment peut-on donner du sens à un projet insensé ? D’un point de vue des parcs d’attractions, Six Flags Qiddiya s’annonce comme un OVNI promettant des sensations extrêmes encore inconnues. Ce futur parc repousse les limites de l’imaginable mais à quel prix ? Vous l’avez bien compris, ici, il n’est pas question de s’extasier devant ce mégaprojet sans poser les questions de ce que cela engendre.
Le monde moderne doit s’adapter face à ce réchauffement climatique qui s’emballe toujours plus chaque année. Que vaut notre acclimatation dans un pays comme la France si à l’inverse d’autres pays en pleine croissance vont dans le sens inverse ? De nombreux domaines sont obligés de changer de manière de faire pour s’orienter vers un développement plus durable. Le divertissement, l’amusement oui, mais pas à n’importe quel prix. Peut-on alors souhaiter que Qiddiya soit un échec pour remettre en cause de futurs programmes identiques ?